Auteur(e) Sylvain Lussier
Le saumon, dit le roi des poissons en cuisine professionnelle, est facile à reconnaître par sa chair grasse de couleur rose-orange rayée de blanc. Il est décrit souvent comme étant une bonne source d’oméga-3. Qu’est-ce que l’on retrouve dans nos épiceries? Du saumon de l’Atlantique, du sauvage, du Pacifique, Coho, King, Quinnat, Chinnook, etc.
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Article tiré du webmagazine de décembre 2017
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La première chose à savoir est que même s’il existe du saumon sauvage dans l’Atlantique, dans l’industrie présentement, dès qu’il est écrit « saumon de l’Atlantique », c’est un saumon d’élevage. Lorsqu’il est sauvage, on écrit « sauvage » ou son vrai nom comme Coho, Quinnat, King. Il commence à y avoir quelques élevages de saumon du Pacifique, mais c’est encore très marginal (moins de 2% de la production de King et Coho sont issus de l’élevage).
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Il y a du saumon de l’Atlantique dans le Pacifique et cela crée certains problèmes pour la faune et la flore.
En effet, en août 2017, plus de 300 000 saumons de l’Atlantique se sont enfuis après une défaillance structurelle suite à une augmentation des courants marins de la région. Le nombre de saumons exacts reste inconnu. Le saumon de l’Atlantique est jugé comme étant une espèce envahissante qui pourrait voler la nourriture et l’habitat des saumons sauvages du Pacifique ainsi que propager des maladies. L’université Fraser au Canada estime que l’on doit observer de près ce qui se passera avec ces saumons.
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À l’exception des deux saumons du Pacifique d’élevage que nous avons vus précédemment, dès qu’un saumon n’est pas dit de l’Atlantique, il est sauvage. Les valeurs nutritives des saumons sauvages sont toutes similaires. Leur couleur peut varier dépendamment de la saison et de la région où ils ont été pêchés. Le goût et la texture de chaque saumon à des spécificités. En tant que chef, j’aime beaucoup travailler le King et le Coho. C’est une question de goût uniquement.
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Les différents saumons de l’Atlantique (élevage)
Parce que oui, même si ce sont des saumons d’élevage, il y a des différences et divers niveaux de qualité. Chaque ferme a son secret; il y en a du bio, du coloré artificiellement, du nourri avec de la moulée ou du maïs, du transgénique et j’en passe. La majorité des organisations comme Ocean Wise et Seafood Watch ne recommandent pas les saumons d’élevage (sauf quelques exceptions comme le Blue Circle Brand). Je vous recommande de consulter ces sites pour faire vos choix en pleine conscience.
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Ils ne sont pas recommandés à cause de leur impact environnemental.
En effet, les bassins d’élevage sont en surpopulation, ce qui augmente les risques et la propagation de maladies. Ces fermes utilisent des produits chimiques et des antibiotiques en grandes quantités et il y a des fuites dans la nature. Sans parler des déversements de défécations qui contaminent le fond des océans. C’est seulement un vif aperçu du lot reproché aux élevages de saumon de l’Atlantique.
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On reconnaît le saumon par sa belle couleur plus ou moins rose-orange causée par le pigment astaxanthine. On dit dans l’industrie que l’astaxanthine est un peu comme du bêtacarotène boosté et ce n’est pas faux, car elle est effectivement dans la même famille de molécules. On retrouve ce pigment entre autres dans les crevettes, l’une des principales sources d’alimentation des saumons sauvages. Voilà pourquoi la couleur du saumon sauvage peut varier d’après la saison et l’alimentation.
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Toutefois, vous remarquerez que le saumon de l’Atlantique a toujours la même couleur. Pourquoi? Majoritairement nourri avec de la moulée et du maïs, le saumon d’élevage est naturellement gris.
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Pour pallier à ce problème, l’industrie utilise de l’astaxanthine synthétique ou du colorant, et colore la chair du saumon d’après une charte de couleur afin de donner au client un produit identique à chaque fois. Cela représente 20% du budget de la nourriture des saumons. Les études décrivent majoritairement les colorants synthétiques comme étant néfastes pour la santé humaine. Alors est-ce normal de cacher que l’on colore un poisson voué à consommation humaine avec un colorant synthétique? Ces colorants synthétiques sont mélangés dans la moulée et il y a des rejets dans l’océan. Évidemment, tout ça est fait au nom de l’argent : le naturel coûte cher et un saumon gris ne se vendra pas.
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On dit que le saumon est une bonne source d’oméga-3. C’est vrai! Mais… Regardons de plus près les différences nutritionnelles entre un saumon sauvage et un saumon d’élevage, car il ne faut pas être naïf et croire qu’en changeant l’alimentation du saumon, ses propriétés nutritionnelles resteront les mêmes.
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Analysons un peu ce tableau.
Le saumon d’élevage est pratiquement deux fois plus calorique; c’est normal vu que plus bas on peut voir qu’il est aussi deux fois plus gras. Il a plus d’oméga-3? Cela semble être une bonne nouvelle, mais portez une attention particulière aux oméga-6 qui sont maintenant presque 6 fois plus nombreux. Cela change complètement de ratio de l’oméga-6 versus l’oméga-3. Si on vise un ratio de 1/10, le saumon de l’Atlantique affiche un ratio de 1/2. Sachant que les Nord-Américains consomment déjà trop d’oméga-6 par rapport à l’oméga-3 et qu’il faut manger du poisson gras pour équilibrer notre ratio, le saumon d’élevage perd encore des points À l’état naturel, il n’y a pas de vitamine C, mais on en retrouve dans le saumon d’élevage, n’est-ce pas un peu étrange?
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D’après une étude de l’EPA (Environmental Protection Agency), sur 700 échantillons de saumon à travers le monde, la concentration de PCB (polychorinated biphenils*) était 8 fois supérieure dans les saumons d’élevage que dans les saumons sauvages.
*Les polychorinated biphenils sont toxiques et classés cancérogènes. Ils ont été popularisés par le célèbre Monsanto. Leur fabrication et leur utilisation sont interdites en France depuis 1987.
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C’est une solution néfaste en réalité, car comme nous l’avons vu, la majorité de ces élevages rejettent dans l’océan des aliments synthétiques non-consommés, des pesticides, des antibiotiques et de grandes quantités d’excréments. Tout ça se retrouve dans les courants marins et contamine tout l’océan. De plus, les parasites et les maladies qui se propagent à cause d’une surpopulation entassée représentent un grand risque de contamination pour les poissons sauvages. Un autre détail important est que pour produire 1 kg de saumon d’élevage, il faut environ 3 à 5 kg de poissons sauvages (ou de moulée pour réduire les coûts bien sûr). Mais pour les fermes d’aquaculture qui nourrissent leurs saumons naturellement, cela signifie qu’il faut pêcher plus de poissons dans l’océan qu’on en produit. Ce n’est donc pas une bonne solution.
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Eh oui! Nous sommes, les Canadiens, les heureux malheureux élus pour tester les saumons génétiquement modifiés! Ce n’est pas une farce, depuis mai 2017, la vente de ces saumons OGM est permise au Canada et elle n’est pas très transparente. Même si l’ACIA (l’Agence Canadienne d’Inspection des Aliments) estime que le saumon OGM est aussi sain et nutritif pour les humains et le bétail que le saumon classique, permettez-moi d’en douter. De plus, mes recherches ont démontré que l’ACIA aurait seulement pris en compte les données fournies par l’industrie. Les chercheurs indépendants n’auraient pas accès à ces informations pour les réviser puisqu’elles sont sous couvert du secret industriel.
Pourquoi est-ce que je dis qu’ils manquent de transparence?
Nous savons qu’il y a plus de cinq tonnes de saumons génétiquement modifiés qui ont été vendus au Canada en mai, juin et août 2017. Pourtant, il n’y a aucune mention de saumons OGM dans les épiceries. Les grandes bannières assurent ne pas vendre de saumon OGM, mais nul ne sait à qui ont été vendus ces saumons et qui les ont consommés? Peut-être est-ce vous?
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Il est important de savoir que seuls les saumons de l’Atlantique peuvent être OGM.
À mon sens, c’est une raison de réduire, voire de ne plus consommer ce poisson. Le saumon OGM a été conçu par la société AquaBounty et contient un gène d’hormone de croissance qui lui permet de grossir 3 à 4 fois plus rapidement. Ce gène serait issu du saumon Chinook. Les États-Unis avaient approuvé le saumon OGM, mais ils se sont ravisés. La Food and Drug administration veut d’abord concevoir un système d’étiquetage des produits génétiquement modifiés avant d’en permettre la vente.
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Donc le Canada est le seul pays à commercialiser le saumon OGM en ce moment.
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Vous l’avez peut-être entendu à droite ou à gauche. Rassurez-vous, pour l’instant il est encore interdit au Canada d’irradier le saumon. Présentement au Canada, seuls les épices, les produits laitiers, les pommes de terre, les oignons et la farine peuvent être irradiés. L’ACIA parle de permettre l’irradiation du bœuf haché canadien dans un futur rapproché. Aux États-Unis, la liste de produits pouvant être irradiés est beaucoup plus grande. Mais dans tous les cas, un produit irradié doit avoir le logo.
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Le saumon est un aliment délicieux et très bon pour la santé. Mon but n’est pas de vous faire peur. Mon objectif est de vous faire prendre conscience d’une réalité plus ou moins connue afin que vous puissiez faire des choix réfléchis. Personnellement, je recommande le saumon sauvage ou du Pacifique. En tant que chef, j’adore le Coho et le King. Au Québec, j’ai tendance à privilégier la truite vu sa proximité, et la truite se cuisine exactement comme le saumon.
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Sylvain Lussier
Chef cuisinier et collaborateur FD Fitness
Sources :
AGENCE FRANCE-PRESSE
inspection.gc.ca
ici.radio-canada.ca
Santé Canada
healthline.com
Slow Food
unesco.org
Vigilance OGM