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Caféine: tout ce que vous devez savoir
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Auteur(e) Jean-Philippe Morin

Caféine: tout ce que vous devez savoir

Étant moi-même un adepte du café, le sujet de ce mois-ci m’interpellait particulièrement. J’ai décidé d’introduire le topo sur la caféine d’une manière un peu plus personnelle, pour vous dire « où on s’en va avec ça ».

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Article dossier caféine tiré du webmagazine d’avril 2018

Étant moi-même un adepte du café, le sujet de ce mois-ci m’interpellait particulièrement. J’ai décidé d’introduire le topo sur la caféine d’une manière un peu plus personnelle, pour vous dire « où on s’en va avec ça ».

La caféine est sans doute l’aide ergogène qui a été la plus étudiée à travers le temps. À certains moments démonisée, à d’autres, adulée, la caféine a fait couler beaucoup d’encre. Si vous êtes comme moi, vous vous dites sans doute que le petit café du matin ne peut pas faire de mal. Il y a aussi de ces périodes où la cafetière fait de l’overtime, avec le petit train-train quotidien que la majorité d’entre nous avons. Et là, vous vous admettez votre légère dépendance à la caféine, mais entre nous, « c’est pas si grave » si c’est votre seul défaut!

Blague à part, je pense qu’on ne peut pas nier la popularité de la caféine et des stimulants à l’ère moderne, alors aussi bien s’y intéresser et essayer de donner l’heure juste sur le sujet. Nous allons donc faire un tour d’horizon sur la question et je tenterai de concentrer le plus d’information possible autour de deux thèmes, soit les impacts physiologiques de la caféine et les bénéfices pour la performance cognitive et sportive. Alors, sans plus tarder…

L’absorption et la dégradation de la caféine

La caféine, telle que retrouvée dans le café ou sous forme anhydre, ou encore affichée sous le nom de 1, 3, 7-trimethylxanthine sur l’étiquette de certains suppléments, est un stimulant du système nerveux central qui est métabolisé par le foie. Elle est décomposée en trois métabolites, la paraxanthine, la théophylline ainsi que la théobromine[1]. L’élévation des trois métabolites est perceptible dans le flux sanguin de 15 à 45 minutes suivant la consommation d’un breuvage caféiné. Le peak de caféine survient environ une heure après la consommation. Étant liposoluble, la molécule traverse la barrière hématoencéphalique. Au niveau rénal, l’excrétion de la caféine se fait peu à peu. Environ 3 à 10% de la caféine consommée sera expulsée sans altération et le reste s’écoulera dans les heures suivantes, selon la vitesse de métabolisation de chaque individu. La demi-vie de la caféine dans l’organisme est dite de 3 à 4 heures en moyenne, mais elle peut aller jusqu’à 10 ou 11 heures chez les individus peu tolérants. 95% de l’élimination de la caféine dans le corps se fait par l’action d’une enzyme, le cytochrome P450 1A2 (CYP1A2)[2].

S’il est intéressant de connaître les résultantes de l’action enzymatique du foie sur la caféine, il est pertinent de savoir pourquoi un certain dosage de caféine favorise l’état d’éveil et semble atténuer la fatigue. En fait, tout ceci est en lien avec les récepteurs de l’adénosine dans le corps. Sans écrire une dissertation sur l’adénosine et à quoi elle sert, sachez simplement que l’adénosine est produite lors du métabolisme de l’ATP (adénosine triphosphate). Rappelons que l’ATP est la molécule énergétique primaire du corps et est composée d’un nucléotide d’adénine, de ribose (un sucre) et de trois groupements phosphates. (Vous n’avez pas besoin de connaître ces choses dans le grand détail pour comprendre).

Pour revenir à nos moutons, l’adénine est destinée à différents récepteurs dans le corps. Elle sert également plusieurs fonctions. Toutefois, celle qui nous intéresse particulièrement dans le contexte est que son accumulation dans le cerveau au cours de la journée promeut le sommeil. Ce qui se passe, c’est que la caféine trompe certains des récepteurs de l’adénosine (A1AR et A2AAR). Étant chimiquement semblable, elle vient rivaliser avec l’adénosine pour se coupler aux récepteurs. On peut donc qualifier la caféine d’antagoniste à l’adénine par son action au niveau des récepteurs. Cet effet de blocage des récepteurs est observable même à des doses aussi faibles qu’une tasse de café.

Comme l’adénosine a plusieurs fonctions, le blocage des dits récepteurs a aussi d’autres effets. En fait, l’adénine promeut la vasodilatation. Pour ces raisons, la caféine induirait une vasoconstriction (jusqu’à un certain point), en supprimant l’effet vasodilatant de l’adénine. C’est un fait curieux, parce que ça ne fait pas consensus dans la littérature. En fait, au niveau endothélial, la caféine semble jouer un rôle dans la synthèse d’oxyde nitrique, qui contribue à la vasodilatation[3]. Il pourrait également y avoir un lien avec le fait que la caféine fait légèrement augmenter le niveau de catécholamines dans le corps : les niveaux d’adrénaline augmentent suite à la consommation. Toutefois, à titre de comparaison, l’activité physique ferait augmenter le taux d’adrénaline six fois plus que le dit psychostimulant. Des études ont également montré que l’effet de la caféine sur le système surrénalien (producteur des catécholamines) diminuait drastiquement avec l’usage chez les consommateurs quotidiens[4]. Il semble que la résultante de l’effet de compétition entre les mécanismes de vasodilatation et de vasoconstriction soit une légère vasoconstriction momentanée, causée par la prédominance du blocage des récepteurs de l’adénosine.

Effets sur le système cardiaque, la mobilisation du calcium et l’humeur

En règle générale, la caféine induit une légère augmentation de la pression artérielle (systolique et diastolique). Une étude a montré une augmentation du pic de pression de l’ordre de 7 millimètres de mercure chez des sujets en santé et des sujets diabétiques[5]. Des doses élevées pourraient causer davantage de la tachycardie (palpitations).

Les effets sur le système cardiaque s’expliqueraient par l’activation sympathique et la réponse endocrinienne causée par la caféine. L’effet de la caféine sur le système surrénalien qui module la sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline suggère que la caféine fait augmenter la sécrétion de calcium intracellulaire[6] (il faut spécifier que le calcium est impliqué dans toute contraction musculaire, incluant les contractions du muscle cardiaque). Il y aurait également une sensibilisation des récepteurs dopaminergiques; un fait qui explique bien les effets positifs du café sur l’humeur chez les consommateurs réguliers.

 

Les dosages

Bref, un dosage faible se situe en deçà de 200 mg par jour. Un dosage modéré, soit jusqu’à 400 mg quotidiennement, est considéré sécuritaire par Santé Canada[7]. À partir de 600 mg par jour, les effets anxiogènes de la caféine pourraient se faire sentir : anxiété, sueurs, troubles de sommeil. Au-delà de 600 mg, les effets pervers peuvent s’additionner : insomnie, tremblements, problèmes gastro-intestinaux[8]. Le seuil de toxicité n’est pas clairement établi, mais il se situe bien au-delà de ce que l’on peut atteindre avec des sources de caféine alimentaires. Il se situerait aux alentours de 10 grammes par jour. Bref, une consommation journalière de moins de 400 mg ne devrait pas entraîner d’effets nocifs. La tolérance de chaque individu entre toutefois en ligne de compte.

Pour ce qui est de l’usage pré-entraînement, la dose idéale se situerait entre 2 et 3 mg par kilo de poids corporel, soit entre 180 et 270 mg pour un individu de 200 livres. À titre d’aide ergogène, la caféine anhydre est plus efficace, car le processus de torréfaction crée des dérivés d’acide chlorogénique qui pourraient nuire à l’action d’antagoniste à l’adénosine de la caféine[9].

 

Performance, endurance et vasodilatation

Outre les bénéfices de la caféine au niveau de la cognition, l’utilisation de la caféine favorise l’oxydation des lipides. Elle pourrait aider à faire en sorte que le substrat énergétique du corps passe du glycogène aux lipides[10]. C’est l’une des premières pistes qui ont été explorées dans la recherche sur la caféine et les possibles bénéfices pour l’endurance et la perte de poids. Autrement, la caféine, au niveau cellulaire, contribue (dans des doses raisonnables) à rendre disponible plus de calcium, qui lui contribue à la contraction musculaire et à la contractilité des muscles. Une dose exagérée pourrait favoriser l’excrétion de calcium (évacuation dans l’urine).

Plusieurs études s’intéressent à la caféine et à son effet sur des tâches cognitives dans les sports, sur des gestes habiles, la précision et le contrôle. Il semblerait que la caféine puisse être bénéfique en ce sens. Pour les sports de force du type anaérobique très intenses et de courte durée, particulièrement pour le travail de grosses masses musculaires du bas du corps, la caféine serait intéressante, car elle aiderait à augmenter la force isométrique maximale et montre un certain potentiel pour augmenter l’endurance des membres inférieurs[11]. Un autre fait intéressant en ce sens est que la caféine augmente la tolérance à la douleur et nous savons parfaitement que de soulever de lourdes charges n’est pas toujours confortable.

Un autre point à considérer concerne la vasoconstriction dont nous avons discuté précédemment. Plusieurs formules pré-entraînement sur le marché combinent de fortes doses de caféine avec des agents qui favorisent la vasodilatation. Or, cela n’est pas particulièrement optimal, sachant que la caféine peut amener une certaine vasoconstriction… Pour le travail en force, c’est une chose moins consternante, mais si vous recherchez l’effet de « pompe musculaire », c’est à considérer.

Caféine, cortisol et sommeil

Une note rapide sur le sujet pour dire que, considérant la demi-vie de la caféine, il est préférable de ne pas en consommer à des heures tardives; cela pourrait nuire au sommeil. Si vous consommez de la caféine à de multiples reprises tout au long de la journée, il est fort probable que votre cycle sommeil-éveil soit affecté, pour ainsi dire que votre cycle du cortisol sera déréglé : ça deviendra difficile de s’endormir le soir et difficile de sortir du lit le matin.

Le tout bien pesé, la caféine a son lot de bénéfices si elle est utilisée intelligemment. Étant un grand amateur de café (un peu biaisé), je ne vois aucune raison de se priver de ce « petit plaisir », si c’est utilisé à bon escient. Si j’ai réussi à vous sensibiliser à cet effet et à vous apprendre certains détails, mon but est atteint. Je serai réceptif à vos questions, si questions il y a!

 

Questions des membres (Q&A)

Q : Est-ce quand même bénéfique pour quelqu’un de stressé, à la limite du trouble d’anxiété généralisé? Si oui, le dosage, quand et tout.

A : Difficile de te répondre, car je ne sais pas à quels bénéfices tu t’attends. Si on parle de café, consommer le grain a effectivement plus d’effets sur la santé que consommer de la caféine en supplément sous forme anhydre. Je dirais de faire attention à la quantité que tu consommes : j’y irais avec 200 mg ou moins par jour pour vérifier ton niveau de tolérance si tu consommes déjà de la caféine ou si tu souhaites l’utiliser. Des doses importantes peuvent amplifier ton anxiété donc, dans ton cas, l’idéal serait de limiter ta consommation et de ne pas l’étaler tout au long de la journée pour créer une plus grande réponse de stress. Pour éviter que ça affecte ton sommeil, consommer l’avant-midi ou avant 13h environ.

Q : Peux-tu nous parler d’accoutumance et du « down » qu’on attribue à la caféine?
A : Il est difficile de quantifier l’accoutumance, car ce n’est pas très documenté en termes de chiffres, mais il est vrai qu’avec l’usage quotidien, une personne pourrait avoir besoin d’une dose un peu plus grande pour ressentir le même effet « énergisant ». Je dirais simplement que ce phénomène va naître si on se fie un peu trop au pic d’énergie que peut fournir la caféine. Le down, quant à lui, existe. Il concorde avec la vitesse d’évacuation de la caféine et le retour au cycle normal de l’accumulation de l’adénosine au niveau des récepteurs cérébraux.

Q : Gonflement et perte d’appétit, est-ce normal?

A : Le café est connu pour son effet sur la diminution de l’appétit. Ce n’est pas rare. Pour l’effet de gonflement, il faudrait savoir si tu le tolères bien. C’est possible que ce soit pro-inflammatoire pour toi.

Q : La caféine est-elle inflammatoire ou pas pour l’intestin?

A : Elle pourrait l’être dans certains cas de côlon irritable par exemple, mais ce n’est pas une constante. La réponse pro-inflammatoire ou anti-inflammatoire peut changer sur des bases individuelles[12].

Q : Est-ce qu’il y a un corps ou métabolisme pour qui c’est bénéfique d’en prendre? Est-ce qu’on est tous égaux face à ces bienfaits et ces points négatifs?

A : Je n’irais pas nécessairement jusqu’à faire du profilage et dire que c’est optimal pour tel type de personne de consommer du café. La caféine est peut-être idéale en tant qu’aide ergogène dans certaines disciplines sportives : je pense à la dynamophilie. Sinon, j’aurais tendance à dire que comme la consommation de café ou de caféine est fortement influencée par les goûts personnels, je viserais donc la modération chez ceux qui souhaitent l’utiliser, mais j’aurais de la difficulté à associer une recommandation alimentaire à un type morphologique en général. Pour renchérir, les différences individuelles et métaboliques peuvent grandement modifier la vitesse d’élimination de la caféine; ce qui peut être un facteur à considérer. Les fumeurs éliminent la caféine plus rapidement, car les hydrocarbones aromatiques polycycliques contenus dans les cigarettes forcent le foie à induire plus d’action enzymatique[13] (preuve d’adaptation triste, mais vraie). Chez les femmes enceintes, l’élimination est rallongée et la caféine est en général déconseillée. Des maladies cardiovasculaires ou hépatiques peuvent rendre la caféine indésirable également.

Q : Pourquoi le café m’ouvre-t-il l’appétit?

A : Difficile de dire sans te connaître. Ça pourrait dépendre du moment où tu consommes ton café et de ton horaire de repas. Par exemple, repousser un repas parce que le café nous donne une sensation de regain va faire en sorte que le sucre sanguin baisse et donc que la faim se fait sentir, mais ce n’est qu’une conjecture.

Q : Y a-t-il seulement du café dans le café instantané? J’ai déjà vu le contenu de mes pots s’évaporer ou se dessécher.

A : Il peut y avoir des arômes ajoutés pour simuler la saveur du « vrai » café. En principe, cela serait mentionné sur le produit. Ce que tu décris pourrait être attribuable aux méthodes de transformation du café instant : soit en vaporisant du café à travers de l’air très chaud ou par la sublimation chimique, sous toute réserve.

Q : Le coach de mon chum va lui faire couper le café en préparation de compétition. Pourquoi?
A : Sous toute réserve, car je ne peux pas parler pour son coach, lorsque la restriction calorique de la sèche va s’intensifier, la caféine pourrait augmenter le niveau de cortisol davantage. Le sommeil est aussi particulièrement important pour parvenir à des résultats optimaux au niveau de la composition corporelle.

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2824625/

[2] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

[3] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

[5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

[6] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5445139/

[7] https://www.canada.ca/en/health-canada/services/food-nutrition/food-safety/food-additives/caffeine-foods/foods.html

[8] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

[9] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2824625/

[10] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

[11] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19757860

[12] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27425673

[13] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4462044/

Jean-Philippe Morin

Étudiant en kinésiologie


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