Auteur(e) Jean-Philippe Morin
Notre corps décompose la nourriture, par la dégradation mécanique et la dégradation enzymatique, puis absorbe des nutriments. Mais qu’en advient-il par la suite? Qu’en est-il de l’ATP et des systèmes anaérobie et aérobie? C’est ce que nous allons tenter de clarifier.
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–Article tiré du webmagazine d’avril 2017
On entend souvent parler des glucides et des lipides qui sont des sources d’énergie essentielles, ainsi que des protéines qui, en entraînement, jouent un rôle crucial dans la récupération et la croissance des muscles. Derrière ces composés organiques s’affaire tout un mécanisme qui régit l’activité musculaire humaine.
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Il faut d’abord définir certains termes et comprendre, que dans le jargon du milieu, plusieurs équivalences sont utilisées. N’empêche qu’au final, on fera référence à l’un ou l’autre des trois systèmes énergétiques que l’organisme emploie. L’anaérobie alactique, aussi connue sous le nom de phosphorylation directe, est un de ces trois systèmes qui emploie l’ATP (adénosine triphosphate) et la créatine phosphate. (On l’appelle couramment le système « ATP-PCr ».) On parlera ensuite de la glycolyse anaérobie, qui emploie principalement le glucose, et finalement du système aérobie, qui est la voie oxydative du corps. Au besoin, veuillez vous référer à ce paragraphe ou au lexique : l’article est à la fois une sorte de glossaire qui, je l’espère, vous permettra de vous familiariser avec les différentes équivalences.
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Petit lexique avant de débuter :
Anaérobie : sans utilisation de l’oxygène
Aérobie : avec utilisation de l’oxygène (réaction suite à la respiration cellulaire)
Lactique : avec apparition du lactate (acide lactique)
Alactique : Sans production d’acide lactique
ATP : Adénosine triphosphate
ADP : Adénosine diphosphate
CP : Créatine phosphate
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Définissons l’ATP :
Chez les sportifs, on parle beaucoup de glucides. C’est à la fois une nécessité et le plus gros démon du siècle… Mais même si le glucose est une forme d’énergie de prédilection pour le corps, il n’est pas directement utilisable pour les réactions au niveau de la cellule. C’est là que l’ATP entre en jeu. Il s’agit d’un nucléotide d’adénine auquel des groupements de phosphate sont liés.
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« Ça veut dire quoi exactement en français? »
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Un nucléotide est une unité de base des acides nucléiques : il en existe plusieurs et l’adénine en est un. Les acides nucléiques, ce sont les plus grandes molécules du corps, formés au cœur de la cellule, soit dans le noyau. Il en existe deux catégories : l’ADN (acide désoxyribonucléique) et l’ARN (acide ribonucléique) (Marieb : 62) Le cours de chimie se termine ici… Comprenez simplement que l’ATP est une unité d’énergie fonctionnelle.
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Peu importe ce que vous ingérez, l’ATP, qui est considéré comme étant « l’unité énergétique de la cellule » (Marieb : 1078), sera emmagasinée en vue d’assurer la majorité des processus fonctionnels du corps. Le système anaérobie alactique utilise les réserves d’ATP et de créatine phosphate, déjà présentes dans les cellules musculaires. On parle ici d’un système qui alimente des efforts intenses qui ne peuvent pas dépasser les 10 secondes.
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Il s’agit d’un système qui fonctionne sans l’utilisation de l’oxygène : attention, ne vous méprenez pas, respirez quand même! Sans tomber dans un niveau de détails difficilement digestibles, cette molécule énergétique de base qu’est l’ATP, est très instable, en raison de sa composition à trois groupements de phosphate. Elle va s’hydrolyser et ainsi donner une molécule d’ADP (adénosine diphosphate) et un groupement de phosphate libre. Cette molécule d’ADP ainsi obtenue va se lier aux molécules de créatine phosphate que le corps emmagasine lorsque nous consommons des protéines animales. Les réserves de CP étant minces, le processus de liaisons de molécules d’ADP à la créatine phosphate intramusculaire va former continuellement de nouvelles molécules d’ATP jusqu’à ce que les réserves de créatine phosphate s’épuisent.
À titre d’exemple, l’épreuve du 100 mètres et l’haltérophilie sont des activités qui vont solliciter ce système énergétique.
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Il vaut la peine de faire une petite parenthèse, étant donné que les questions au sujet de l’effet des suppléments de créatine font souvent surface. La créatine, en supplémentation, va venir augmenter les réserves d’un substrat, soit la créatine phosphate, qui est impliquée dans la réaction qui produit de nouvelles molécules d’ATP en combinaison avec l’ADP.
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La combinaison avec un entraînement centré sur la force relative engendrera des adaptations et rendra le système anaérobie alactique de l’athlète plus performant. Ainsi, un haltérophile améliorera son ratio de fibres IIA et IIB, qui sont des fibres plus puissantes, par rapport aux fibres lentes de type I. Également, ses réserves de créatine phosphate augmenteront, ses réserves de glycogène également; la vascularisation des fibres musculaires s’améliorera, bref : le système anaérobie s’optimisera.
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Glycolyse, glucose, glycogène?
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Les glucides que nous consommons font augmenter la glycémie, qui est le taux de sucre sanguin (en fonction de la source). Le sucre sanguin est ensuite capté lors de la sécrétion de l’insuline pour former du glycogène, qui n’est rien de plus qu’une chaîne de molécules de glucides rendues neutres. Ce glycogène se retrouve dans les muscles, dans le foie ou dans les cellules adipeuses. Lorsque le plateau des 10 secondes d’effort intense est brisé, le corps creuse pour trouver de nouvelles ressources énergétiques, ayant vidé ses réserves de créatine phosphate pour produire de l’ATP.
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C’est à ce moment qu’il se tourne vers ses réserves de glycogène.
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Rapidement, il va s’en suivre d’une réaction qui va transformer les molécules de glucose en ATP. Des suites de plusieurs réactions chimiques, le corps va parvenir à produire 2 molécules d’ATP pour une molécule de glucose. Le processus se déroule encore sans l’intervention de l’oxygène, mais la réaction de glycolyse va engendrer l’apparition de molécules de lactate. C’est là qu’on va commencer à parler d’acide lactique, qui va éventuellement rendre l’individu plus fatigué et moins efficace à l’effort. Avec l’entraînement, cet acide lactique sera ensuite « recyclé » lors du cycle de Cori, mais cela dépasse un peu l’envergure du présent article.
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La glycolyse anaérobie va s’effectuer lors d’efforts intenses de durée moyenne, variant de 10 secondes à deux minutes. En hypertrophie par exemple, lorsqu’on va appliquer des techniques d’intensification, on observera l’impression d’avoir le souffle plus court et lorsque les séries vont s’échelonner sur 40 à 70 secondes, on parlera d’anaérobie lactique.
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Nous avons parlé de deux systèmes différents qui n’exploitent pas l’oxygène. Avant de terminer avec le système oxydatif du corps, qui fournit la majorité de nos activités quotidiennes ainsi que les efforts modérés de plus longue durée, il faut comprendre que les systèmes précédents, ainsi que le système aérobie fonctionnent simultanément, mais qu’un d’entre eux va prédominer selon la durée de l’effort. Lorsque nous nous mettons en action, le corps active trois moteurs énergétiques, qui perdurent plus ou moins longtemps selon la tâche et l’intensité de l’effort. Le système aérobie va quant à lui commencer à prendre le dessus lorsque l’activité dépasse une minute. Communément, on explique que l’aérobie est pour un effort de 2 minutes à plusieurs heures. Jusqu’à 70 secondes d’activité, le système lactique produit conjointement de l’énergie; par la suite, le système oxydatif, moins puissant, mais beaucoup plus durable, prend la relève. Lorsque l’oxygène va se rendre aux mitochondries, des mécanismes complexes qu’on appelle glycolyse oxydative et lipolyse oxydative s’activent. À ce moment, le corps puise encore dans le glucose, mais surtout dans les acides gras.
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Il parvient ainsi à produire 36 molécules d’ATP pour une seule molécule de glucose et jusqu’à 129 molécules d’ATP pour une seule molécule d’acide gras, selon le nombre de carbones. Que l’on parle d’une personne sédentaire qui exécute des tâches ménagères ou d’un marathonien, c’est le système aérobie qui s’active, avec des degrés d’efficacité variables. Un individu qui a une bonne endurance cardiovasculaire, et donc un bon VO2max (capacité de consommation maximale d’oxygène), aura un système oxydatif performant, considérant que ses muscles font une meilleure utilisation de l’oxygène inspiré.
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Pour résumer, trois systèmes interviennent lors d’un effort d’intensité moyenne à élevée : anaérobie alactique, puis anaérobie lactique, et finalement, aérobie.
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Dans une optique plus pratique, la connaissance de ces trois voies énergétiques permet de mieux gérer son alimentation au quotidien, sachant qu’il est possible d’adapter la consommation de glucides ou de lipides selon le niveau ou le type d’activité et le moment de la journée. Les protéines, quant à elles, sont tout aussi cruciales pour assurer la récupération musculaire. Cela permet aussi de tisser des liens entre le type d’exercice que vous retrouvez dans votre plan d’entraînement et les systèmes sollicités. D’ailleurs, une meilleure analyse du sport ou de l’activité que vous pratiquez vous permettra peut-être de choisir un entraînement plus spécifique et adapté en vue d’optimiser l’un ou l’autre de ces trois systèmes.
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C’est un sujet bien complexe et les réactions biochimiques qui alimentent la production énergétique dépassent ce que j’ai tenté de rendre accessible, alors j’espère avoir pu vous éclairer et au plaisir de discuter avec vous!
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Jean-Philippe Morin
Kinésiologue
Sources :
Bélanger, Christian et Sébastien Beaumont. 2016. Santé et activité physique, 3e édition, Anjou (Qué.), Les éditions CEC, 338 p.
Marieb, Elaine N. et Katja Hoehn. 2015. Anatomie et physiologie humaines, 5e édition, Montréal, ERPI, 1308 p.
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