Vers un modèle scientifique pour l’hypertrophie (partie 1) | FD Fitness
Vers un modèle scientifique pour l’hypertrophie (partie 1)
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Auteur(e) Jean-Philippe Morin

Si vous avez un certain vécu en entraînement, que vous avez suivi différents programmes, peut-être reçu du « coaching », on vous a sans doute éveillé à différents paramètres modifiables d’un plan d’entraînement susceptibles d’être avantageux pour gérer l’hypertrophie. Peut-être êtes-vous familiers, dans une certaine mesure, avec les tempos, le temps sous tension ou toute autre donnée manipulée par votre entraîneur sur papier.

 

 

Vers un modèle scientifique pour l’hypertrophie

Lorsque nous nous lançons tête première pour une immersion plus exhaustive de la science entourant le gain de masse musculaire, nous nous rendons compte que tout n’est pas si simple, pas si noir ou blanc, malgré le fait que nous remarquons que certaines généralités font surface (nous en reparlerons). La recherche étant en constante évolution, la littérature ne nous permet pas de dégager des conclusions généralisables à un nombre indéfini de groupes hétérogènes, mais elle nous permet certainement de réfléchir à différents paramètres intimement reliés dans la planification de l’entraînement et à leur importance relative.

 

Pour saisir certaines différences marquées entre des programmes qui utilisent l’intensité ou le volume en ayant pour visée l’hypertrophie, il faut d’abord comprendre l’essence des trois mécanismes couramment décrits comme « générateurs d’hypertrophie »; j’ai nommé le stress mécanique, les dommages musculaires et le stress métabolique.

 

Le stress mécanique

La base du stress mécanique, c’est que le muscle devra être soumis à une tension qui sera progressivement plus grande. Ce sont des mécanorécepteurs qui transmettent ce type d’information lorsque le muscle est sous-tension. C’est LE mécanisme fondamental et le plus certain des trois selon la littérature. Peu importe la charge, les répétitions ou les séries, il faut un stimulus qui va induire un signal et mener à une réponse d’hypertrophie[1]. Dans le cas présent, il faut aussi que la force génère une tension capable de modifier l’état d’un récepteur sensible à ce type d’information mécanique.

 

Différentes structures, protéines et filaments sont dites capables de traduire ce genre de signal selon la science. La lourdeur des hypothèses peut cependant devenir indigeste, alors allons à l’essentiel avec un exemple mettant en contexte les « costamères ». Les costamères servent d’adhésif dans le muscle squelettique. Ils connectent la structure d’une cellule à la matrice extracellulaire (d’autres structures externes à la cellule). Il semblerait que ces costamères soient sensibles à deux types d’informations, puisqu’elles subissent une déformation : « la pompe », donc le gonflement musculaire et le changement de rigidité de toute la structure qui entoure la cellule.

 

Les costamères seraient donc un endroit où l’information mécanique peut-être perçue puisqu’ils subissent toujours la traction engendrée par le gonflement du muscle[2]. Le signal mécanique est le stimulus et les mécanorécepteurs, tels les costamères sont le « sensor ». Les études montrent que le signal mécanique va par la suite activer des phospholipases et qu’il y a synthèse d’acide phosphatidique qui peut activer le MTORC1. L’inhibition de l’acide phosphatidique préviendrait la phosphorylation du MTOR, qui est cruciale pour le gain musculaire.

 

Il s’agit là d’une version très résumée parce que d’autre mécanismes potentiellement significatifs agissent en simultané. D’autres protéines et filaments subissent aussi l’impact mécanique au niveau du muscle.

 

Dommages musculaires

Il est difficile d’isoler cette variable puisqu’elle cohabite toujours avec un stress mécanique plus ou moins grand. Toutefois, il y a lieu de croire que les dommages musculaires ne sont pas le facteur prédominant dans le phénomène de croissance musculaire parce que des dommages trop grands vont nuire au rendement. Prenons l’exemple simple et hors contexte du marathon, qui va créer une quantité importante de dommages musculaires, mais qui ne sera pas favorable du tout à l’hypertrophie. Il existe un seuil de dommage musculaire au-delà duquel nous retardons grandement notre prochain entraînement et ce n’est pas payant.

 

Stress métabolique

Un terme assez mollement défini en général qui fait référence à l’accumulation de déchets métaboliques de l’activité du système anaérobique (glycolitique). Il s’agit de ce qui se produit lorsque le corps brûle rapidement du glycogène pour répondre à une demande. Lorsqu’il y a une congestion musculaire [faussement décrite comme étant une accumulation de lactate], des déchets se forment rapidement, le muscle s’acidifie et tôt ou tard, ne peut plus répondre à la demande. Si l’effet de pompe musculaire est prisé chez ceux qui s’entraînent en visant l’hypertrophie, il est possible que le phénomène de gonflement lui-même soit plus pertinent que les réponses endocrines aigües (pics hormonaux à l’entraînement), parce que la structure qui est affectée par le gonflement de la pompe peut, encore une fois, transmettre l’information reliée à une tension mécanique subie. Les réponses hormonales aigues à l’entraînement ont été montrées comme non-significatives par plusieurs études[3][4].

 

Partie deux à venir!

*J’aimerais apporter une précision à la partie portant sur les dommages musculaires: c’est une comparaison facile pour qu’on puisse comprendre. Dans toute situation pratique, les adaptations à l’entraînement cardiovasculaire et à l’entraînement musculaire ne sollicitent pas les mêmes systèmes. Cependant, SI un minimum de dommages musculaires est nécessaire et qu’il y a un plateau au-delà duquel plus de dommages n’est pas profitable, un tel plateau n’est pas connu dans la science actuelle.

 

Jean-Philippe Morin

Kinésiologue

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SOURCES

[1] Wackerhage, H., Schoenfeld, B. J., Hamilton, D. L., Lehti, M., & Hulmi, J. J. (2019). Stimuli and sensors that initiate skeletal muscle hypertrophy following resistance exercise. Journal of Applied Physiology126(1), 30-43.

[2] Ibid

[3] Morton, R. W., Oikawa, S. Y., Wavell, C. G., Mazara, N., McGlory, C., Quadrilatero, J., … & Phillips, S. M. (2016). Neither load nor systemic hormones determine resistance training-mediated hypertrophy or strength gains in resistance-trained young men. Journal of applied physiology121(1), 129-138.

[4] Mangine, G. T., Hoffman, J. R., Gonzalez, A. M., Townsend, J. R., Wells, A. J., Jajtner, A. R., … & LaMonica, M. B. (2015). The effect of training volume and intensity on improvements in muscular strength and size in resistance‐trained men. Physiological reports3(8), e12472.