Auteur(e) FD Fitness
Dans cette article, Sophie (consultante santé chez FD Fitness) témoigne de son combat contre un trouble alimentaire. Comment reconnaître les symptômes? Quels peuvent être les effets néfastes de cette obsession malsaine? Comment se sortir d’un trouble alimentaire? Elle réponds à ces questions à travers son récit.
–
Je ne sais pas à quel moment précis de ma vie mon trouble alimentaire a commencé; mais je pense que la graine a été semée il y a déjà plusieurs années de cela. J’ai longtemps cherché la source, LE moment, mais franchement, je ne pense pas qu’il y ait eu un moment déclencheur. On ne m’a pas traitée de baleine quand j’avais 8 ans, je n’ai jamais porté autre chose que des tailles petites…
–
Malgré tout, dans la société d’aujourd’hui, on se fait tellement dicter par tous les moyens disponibles de quoi on devrait « avoir l’air », quelle image on devrait projeter, (ce qui semble ne jamais être assez) qu’on oublie que la diversité et l’originalité c’est ça la vraie beauté.
–
Bref. Je ne me souviens pas le jour où la source de mon trouble s’est installé dans ma tête, mais je me rappelle le jour où ça m’a frappée en plein visage. Le jour où j’ai réalisé que je souffrais d’un trouble alimentaire. Une maladie mentale, une obsession malsaine, ça ne se développe pas comme une maladie physique. C’est facile de se mettre des œillères et de contourner les symptômes, ce n’est pas immanquable comme une blessure physique. C’est mesquin, les troubles alimentaires se cachent bien sous des excuses et des raisonnements biaisés.
–
Je crois que le jour où mes pensées ont commencé à déteindre sur mes agissements, c’est lorsque j’ai commencé à travailler dans un centre de conditionnement physique. L’idée de la performance, je l’enseignais et je la vivais jour après jour. Je me souviens qu’à cette époque, je pesais 104 lb, je courais des 10 km le matin (7 jours sur 7), je mangeais le moins possible, et j’étais fière de réussir à « tenir le coup » en sautant des repas. Pour moi, il n’y avait rien de problématique, je semblais encore en santé physiquement, je continuais d’être capable de compléter mes journées et d’aller travailler.
–
Je me demandais : « Qu’est-ce que je pourrais encore couper pour réussir à franchir la barre des 100 lb? » Une cloche aurait dû « me sonner » que ce n’était pas sain de raisonner comme ça. Mais ça, je ne le voyais pas. Tout me semblait normal et rien ne me paraissait démesuré puisque que chaque changement s’est installé graduellement. J’avais simplement commencé par diminuer mes portions de moitié et ça a progressé jusqu’à ne plus vouloir sortir avec mes amies, de peur de ne pas être en contrôle de ce que j’allais manger, ou d’éviter d’aller boire une bière de temps à autre. (Voire éviter toute activité sociale où je n’avais pas le contrôle sur ce qui allait entrer dans mon estomac.)
–
J’étais paniquée à l’idée qu’aux jours fériés, je n’allais pas pouvoir aller au gym. Je ne prenais aucun engagement les avant-midi, parce que les avant-midi, c’était le temps d’aller courir pour brûler des calories. LES CALORIES. Parlons-en ! Une banane? : 89 calories. Une tomate? : 18 calories. Je connaissais par cœur le nombre de calories de chaque aliment!
–
Au printemps 2014, j’étais à la cabane à sucre avec des membres de ma famille, assise à la table entre les bols d’oreilles de crisse et de saucisses dans le sirop, et là PAF!, la crise d’angoisse s’est emparée de moi. « Je veux juste m’en aller, je ne veux pas toucher à ça ». Ma belle-sœur de l’époque, qui avait également vécu des troubles alimentaires dans le passé, avait reconnu tout de suite mon regard de «PANIQUE-GÉNÉRALE-OÙ-EST-LA-SORTIE-D’URGENCE?». Elle m’a tout de suite prise à part, et sans trop me laisser le choix, elle m’a fait noter une journée typique alimentaire de mon quotidien et moi de lui rire en plein visage : « Tu t’en fais pour rien, je mange en masse; je mange encore trop! » Elle me l’a tout de même fait remplir. Et je ne la remercierai jamais assez, parce que sans elle, je n’aurais jamais réalisé que mes journées quotidiennes contenaient un maximum de 600 calories.
–
Au début, c’était le déni. Je ne comprenais pas. « Tu as dû oublier quelque chose. », « Oui, mais, moi c’est différent. », « Mon corps est différent. », « Mon système à moi, il fonctionne différemment. Je ne peux pas manger plus. ». Ce sont les phrases que je me suis répétées le plus souvent les mois suivants.
–
Je ne pouvais pas concevoir que ce que je faisais n’était pas correct, parce qu’après tout, je faisais des « bons » choix alimentaires et j’avais un cardio d’enfer! Mais mon corps m’envoyait des signes, il voulait que je recommence à prendre soin de lui. Il y avait également ma petite voix qui me rappelait sans cesse : « Ça ne se peut pas que tous les gens minces fassent autant de sacrifices. »
–
Mes carences alimentaires m’ont fait perdre l’équivalent de 50% de mes cheveux. (Quand ta coiffeuse te demande ce qui se passe chaque mois, ce n’est pas rassurant.) Mes ongles ne poussaient plus et étaient en mauvaise santé, ma peau s’asséchait, je recevais beaucoup de signes qu’à l’intérieur quelque chose clochait.
–
J’ai perdu mes menstruations pendant plus de 15 mois, j’ai souffert d’insomnie sévère durant plus d’un an et ma santé mentale en a été affectée. (Les carences jouent aussi sur les neurotransmetteurs. Adieu dopamine, endorphine et gaba chéris!)
–
La dépression s’est ensuite mise de la partie. Rendue à ce point, je savais ce que je devais faire, mais il m’était inconcevable de devoir recommencer à manger normalement. (Pleurer devant un plat de pâtes, ça s’est vu plus d’une fois.) Attendre d’être à son plus faible et d’avoir des vertiges avant d’aller manger parce que je refusais l’idée d’ajouter des calories à ma journée, c’était mon quotidien.
–
Le jour où j’ai décidé de faire face à mon problème et d’agir, c’était comme plonger dans le néant. Il fallait que je fasse confiance aux autres qui me disaient que « ça allait bien aller », mais c’était aussi de lâcher prise sur l’aspect le plus important auquel je m’accrochais, soit l’illusion d’avoir le contrôle. Recommencer à intégrer une alimentation saine représentait le risque de reprendre du poids. Je devais faire confiance à mon corps et changer ma mentalité.
–
Je me suis donc remise à intégrer un aliment à la fois. Les aliments qui, sans m’en rendre vraiment compte, étaient devenus des aliments interdits. J’ai donc persévéré, toujours un peu sceptique, mais un jour à la fois, j’ai réintégré un peu plus d’aliments et à ma plus grande surprise, mon corps a bien réagi.
–
Je vais me souvenir longtemps d’un dîner d’été où j’ai décidé de manger « mon premier HAMBURGER. » Avez-vous déjà vu quelqu’un pleurer de joie en mangeant un burger? Mes amies oui. J’ai découvert à nouveau le goût de mes anciens aliments préférés, appris à nouveau le plaisir de manger et surtout, j’ai vu la culpabilité s’estomper jour après jour.
–
Je vous mentirais si je vous disais que le cheminement vers la rémission de mon trouble alimentaire s’est fait en claquant des doigts, sans embûche et que c’est loin derrière moi. C’est littéralement un combat de tous les jours. Est-ce qu’on peut complètement guérir d’un trouble alimentaire? Sincèrement, je ne pense pas qu’on puisse s’en débarrasser complètement. On peut « se raisonner », changer ses habitudes, changer de mentalité, mais comme une ancienne blessure, on reste avec une petite faiblesse et une fragilité qui parfois veulent refaire surface.
–
Je comprends par contre maintenant ce que j’ai fait subir à mon corps et ça me rend triste de voir ce que j’ai pu lui infliger, sans même en avoir pleinement conscience. Encore à ce jour, mon corps paie le prix des conséquences de ce mode de vie par certains symptômes, soit par un métabolisme très bas et par un cortisol trop élevé en permanence, à cause du stress immense que je lui ai imposé durant plus de deux ans.
–
Si au courant de cette lecture tu t’es reconnu dans un ou plusieurs points de mon vécu, je te demande de prendre le temps de t’arrêter et de réfléchir. La ligne est mince entre la passion et l’obsession. Si tu as des doutes à savoir si tu peux être concerné toi aussi, s’il te plait, ouvre-toi à un proche de confiance, à un professionnel de la santé, à quiconque qui pourrait t’outiller, mais surtout t’écouter. Le jour où mon frère s’est tout simplement mis à me poser des questions sur comment je me sentais, et voulait m’écouter, ça m’a permis de verbaliser ce qui se cachait au fin fond de moi et de prendre conscience de la situation. Si tu ne t’es pas senti concerné mais que tu penses à quelqu’un de ton entourage qui pourrait l’être, sache que ton plus grand pouvoir d’aide envers cette personne demeure ton écoute et ton soutien moral.
–
Est-ce que j’aurais voulu éviter de passer par ce cheminement? Oui. Mais dans chaque point négatif, du positif en ressort. Mon trouble alimentaire m’a permis d’avancer énormément dans un cheminement personnel, et aujourd’hui j’ai la chance d’aider à mon tour mes client(e)s aux prises avec les mêmes problèmes que j’ai vécus, en ayant une compréhension véritable de leurs combats. J’ai appris à connaitre l’autre côté de la médaille de la nourriture, et à ne plus la voir comme une ennemie, mais au contraire, de l’étudier et d’apprendre tout le bien que ça peut apporter à mon corps.
–
P.-S. Merci à Gabrielle & Samuel !
Sophie Côté
FD Fitness est un incontournable pour quiconque souhaite entreprendre, améliorer ou perfectionner son entrainement de conditionnement physique. L’équipe se donne pour mission d’offrir des programmes innovateurs et personnalisés à chacun de ses clients afin de les accompagner dans l’atteinte de leurs objectifs. Pour prendre rendez-vous ou obtenir de l’information, cliquez ici.
–